Lésion de la moëlle épinière : une interface neuronale intuitive pour contourner le handicap

Les neurones moteurs situés dans la moelle épinière jouent un rôle clé dans la réalisation de nos mouvements. Une lésion à ce niveau peut compliquer voire même contraindre la capacité de certaines personnes à faire usage de leurs mains ou de leurs jambes.

Pour leur permettre de retrouver une motricité, le laboratoire Motricité, Interactions, Performances (MIP) a récemment lancé un projet de recherche (Mosart) avec comme objectif de capter les signaux nerveux au niveau de la moelle épinière et de les utiliser pour permettre d’accomplir des activités artistiques par le biais d’une nouvelle interface neuronale intuitive.

Dans les faits, la méthodologie est la suivante : les chercheurs vont tout d’abord enregistrer ces signaux nerveux au niveau des muscles du bras en appliquant une grille d’électrodes sur la peau de patients, le long des fibres musculaires. "C’est comme si on plaçait un micro au milieu d’une foule et que l’on captait tous les bruits environnants afin d’identifier chacune des conversations entre individus", explique Simon Avrillon, chercheur au laboratoire MIP et porteur du projet Mosart. Une fois enregistrés, ces signaux seront analysés et interprétés par un algorithme open source qui en fera le tri. "De cette masse de données, on va être capables d’extraire les signaux liés à l’activité de neurones moteurs encore fonctionnels et de les associer à un mouvement en particulier."
 

Jouer de la guitare malgré le handicap

Par la suite, toutes ces données seront utilisées pour développer une interface neuronale qui permettra aux personnes concernées par une lésion de la moelle épinière de contourner leur handicap et de réaliser certaines actions, comme jouer de la guitare dans un jeu vidéo ou dessiner un objet sur un tableau blanc à l’aide d’un curseur. "Le principe est de transformer l’activité nerveuse (signaux) en commandes ou en touches en voulant reproduire des mouvements", souligne Simon Avrillon. "Notre objectif est même d’aller encore plus loin en travaillant sur des mouvements plus complexes nécessitant un grand nombre de commandes, comme si l’on passait d’un petit clavier de 25 touches à un piano classique de 88 touches."
 

Une approche nouvelle du mouvement humain

Pour le laboratoire MIP, spécialiste dans le domaine du mouvement humain, l’ambition du projet est double : démontrer d’abord la possibilité d’apprendre de nouveaux mouvements après une lésion de la moelle épinière sans forcément les avoir déjà pratiqués, mais également aider à la rééducation des patients et leur permettre de retrouver une motricité et une activité physique et artistique. "Mosart nous permet d’explorer et d’expérimenter une approche totalement nouvelle de l’étude du mouvement humain, basée sur la technologie, tout en développant des algorithmes et des logiciels open source au service d’applications très concrètes dans les champs des interfaces cerveau-machine et de la robotique."

Lancé il y a quelques semaines pour une durée de trois ans, le projet est actuellement dans une phase préparatoire pour définir et affiner son approche, à la fois théorique et technologique. "Nous sommes à un stade où nous devons d’abord comprendre comment fonctionne le système nerveux après une lésion pour envisager une application." Dans une seconde phase, les chercheurs appliqueront leur méthode sur des patients concernés par une lésion de la moëlle épinière, en collaboration avec le centre de rééducation du CHU de Nantes, avant de pouvoir mettre à disposition de tous cette nouvelle interface pour la pratique des arts.